Après avoir abordé la question relative à la collecte des données à travers notre article, nous nous intéresserons dans cet article, au Dossier Patient Informatique. Avec l’avènement du digital, bon nombre d’informations relatives à l’état de santé des patients sont facilement classifiés et répertoriés grâce aux outils informatiques.
Définition et objectif du Dossier Patient Informatisé
Au début des années 2000, la gestion des informations liées à la prise en charge d’un patient a été profondément modifiée. Ces informations étaient auparavant conservées et présentées sous la forme d’un dossier médical papier et d’un dossier infirmier distinct. Mais grâce à la digitalisation dans le secteur de la santé et à ses nouveaux outils, les données du patient ont été rassemblées sous la forme d’un dossier patient informatisé.
Le déploiement d’un dossier patient informatisé reste un défi en soi puis qu’il inclut à la fois un changement des habitudes et une appropriation de nouveaux outils digitaux ; ce qui n’est pas toujours une tâche aisée. Malgré que les bénéfices attendus soient nombreux (accessibilité de l’information, diminution du risque d’erreur, amélioration de la qualité des soins et maîtrise des coûts), les difficultés techniques et les résistances liées à ce changement n’en sont pas des moindres : comment passer du support papier au support numérique en acquérant de nouvelles pratiques de l’informatique dans sa consultation ou lors de la visite médicale ?
Par définition et selon Wikipédia, « Le dossier patient informatisé est un dossier informatique rassemblant les données médicales de patients. Le terme désigne également un logiciel dans lequel les agents hospitaliers vont accéder aux informations contenues dans le dossier des patients »
Ce qu’il faut retenir : Le Dossier Patient informatisé a donc pour but d’améliorer la prise en charge des patients grâce aux échanges d’informations, à la transversalité et la continuité des parcours de soins d’une ville à une autre ou d’un établissement de santé à un autre avec l’appui des solutions digitales.
Le contenu du Dossier Patient Informatisé
Le dossier patient informatisé se doit de contenir l’ensemble de la documentation liée à la prise en charge du patient. Doivent s’y intégrer non seulement l’anamnèse et les antécédents du patient, son traitement habituel, ses allergies et habitudes de vie, ses données démographiques, son examen clinique d’entrée, mais aussi les résultats structurés d’analyses de laboratoire et les examens de radiologie, les notes de suite ainsi qu’une liste des problèmes actuels permettant de suivre l’évolution de la prise en charge. Le dossier patient doit contenir des informations administratives et des informations des professionnels de santé.
A propos des informations administratives, pour tout patient pris en charge dans un établissement de soins, l’administration hospitalière doit constituer un dossier administratif distinct du dossier des professionnels de santé. Du dossier administratif sont extraites l’identification du patient et les données sociodémographiques qui vont enrichir le dossier du patient. L’authenticité des informations administratives recueillies doit être garantie. Elles doivent être régulièrement tenues à jour (suivi de l’identité de l’état civil, de la couverture sociale, du statut matrimonial, des employeurs, etc.). Le certificat médical, à l’origine d’un arrêté d’hospitalisation d’office, est également considéré comme une information administrative.
Concernant les informations des professionnels de santé, le dossier du patient doit contenir l’ensemble des informations produites par les professionnels de santé qu’il s’agisse des médecins, des paramédicaux et d’autres professionnels tels que les psychologues ou les travailleurs sociaux. Il rassemble des informations de natures diverses :
– Des informations médicales antérieures à l’hospitalisation ou à la consultation actuelle (identité, anamnèse, allergies, antécédents, traitements, etc.) ;
– Des informations relatives à la personne et à ses habitudes de vie ;
– Des informations médicales produites au cours du séjour en établissement de santé (observations, comptes rendus d’examens, prescriptions, comptes rendus opératoires, anatomopathologie, feuilles de température, lettres de sortie, etc.) ;
– Des informations relatives aux soins paramédicaux dispensés par les infirmiers et les autres professionnels de santé.
Tout médecin hospitalier (docteur en médecine ou en chirurgie dentaire) est concerné par la tenue d’un dossier, appelé dossier médical, quelle que soit sa pratique et son statut. Il doit y consigner toutes ses observations, ses interventions et les hypothèses qu’il formule en conclusion. Les sages-femmes doivent également y porter la trace de leurs interventions, observations et traitements instaurés. De façon complémentaire au dossier médical, les professionnels paramédicaux (infirmiers, kinésithérapeutes, diététiciennes, orthophonistes, etc.) et les autres professionnels de santé constituent un dossier, appelé dossier de soins paramédical, contenant la trace de leurs observations et actions de soins, assurant la continuité des soins et permettant l’évaluation de leur qualité.
Tiré du Fascicule 1 Règlementation et recommandations : https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2009-08/dossier_du_patient_-_fascicule_1_reglementation_et_recommandations_-_2003.pdf
Ce qu’il faut retenir : « Le dossier Patient Informatisé est une mémoire écrite des informations cliniques, biologiques, diagnostiques et thérapeutiques d’un malade, à la fois individuelle et collective, constamment mise à jour. »

Le Dossier Patient Informatisé ou encore Dossier Médical informatisé (DMI) : la législation
Dans le domaine de la santé, la mise en œuvre d’un dossier a été rendue obligatoire par le décret du 31 mars 1992 mais l’informatisation de ces données est encore loin d’être généralisée.
La loi n° 2002-303, du 4 mars 2002, relative aux droits des malades offre la possibilité, à toute personne qui en fait la demande, d’accéder à l’ensemble des informations concernant sa santé, que ces informations soient détenues par des professionnels ou des établissements de santé. Le patient a donc la possibilité d’accéder directement à son dossier médical. Il peut aussi choisir d’avoir accès à ces informations par l’intermédiaire d’un médecin qu’il désigne à cet effet. Le décret n° 2002-607 du 29 avril 2002 () relatif à l’accès aux informations personnelles détenues par les professionnels et les établissements de santé indique les différentes dispositions générales ainsi que celles propres aux établissements de santé.
Après un délai de réflexion de quarante-huit heures, le dossier médical doit être transmis par le médecin dans les huit jours qui suivent la demande, sauf si le dossier date de plus de cinq ans ou qu’il concerne des données psychiatriques, le délai pourrait alors être étendu à deux mois.
L’informatisation d’un dossier ne modifie en rien la réglementation qui s’applique aux données médicales qu’il contient. Une formalité déclarative supplémentaire doit seulement être accomplie auprès de la Commission nationale informatique et liberté avant la mise en route du programme utilisé pour gérer les dossiers médicaux informatisés.
Ce qu’il faut retenir : Un cadre bien réglementé, incluant le recours à la CNIL, entoure l’élaboration et la mise à disposition du Dossier Patient informatisé.
Utilité du Dossier Patient Informatisé
Le passage du dossier patient version papier à celle informatisée comporte plusieurs avantages à bien d’égards. En effet, le dossier patient informatisé permet de :
- De faciliter la coordination des soins entre les différents professionnels de santé et donc de faciliter également l’interprétation qui en sera faite.
- De faciliter l’exercice professionnel quotidien par la fourniture d’outils de classification permettant de retrouver les informations rapidement selon plusieurs critères : par nature des données (cliniques, biologiques, imagerie), par ordre chronologique, par nom, par âge, par lieu de domiciliation, par type d’affection ; d’où un précieux gain en temps
- D’apporter une aide à la décision, à l’évaluation et aux études cliniques en permettant l’utilisation de protocoles de prise en charge prédéfinis établis à partir des référentiels de pratiques.
- D’offrir la possibilité au patient d’accéder à son dossier où qu’il se trouve et en plusieurs langues.
Ce qu’il faut retenir : Le Dossier Patient informatisé est un outil précieux d’aide à la décision pour les professionnels de santé d’une part et d’autre part un excellent moyen de prise de connaissance pour le patient.
Dossier Médical Partagé (DMP) vs Dossier Patient Informatisé (DPI) : une différence ?
Le 6 novembre 2018, la ministre de la santé a annoncé la généralisation du dossier médical partagé (DMP) à 40 millions de personnes d’ici cinq ans. Par définition, le DMP est « un carnet de santé numérique qui conserve et sécurise vos informations de santé : traitements, résultats d’examens, allergies » Il vous permet de les partager avec les professionnels de santé de votre choix, qui en ont besoin pour vous soigner. Cf https://www.dmp.fr/patient/je-decouvre#Le-DMP-qu-est-ce-que-c-est
C’est un dossier confidentiel et sécurisé disponible en ligne que vous pouvez partager avec votre médecin et les professionnels de santé. C’est un dossier qui doit réunir certaines informations comme :
- L’historique de vos soins (des 24 derniers mois)
- Les antécédents médicaux
- Les résultats d’examens
- Les comptes rendus d’hospitalisation
- Les coordonnées des proches à prévenir en cas d’urgence
- Les directives anticipées pour votre fin de vie
Le DMP est particulièrement utile pour la prise en charge rapide du patient dans certaines cas comme lors d’un accident où dans les minutes qui suivent le médecin doit prendre une décision urgente sur le traitement à administrer ou les mesures à prendre.
Comme nous l’avons exposé plus haut et comme nous pouvons le constater, le DMP et le DPI ont le même objectif qui est de mettre à disposition les informations utiles de santé du patient afin de faciliter sa prise en charge. Il convient de notifier que le DMP vient faciliter l’accessibilité du dossier patient informatisé.
Ce qu’il faut retenir : Le DMP améliore la disponibilité du dossier médical et serait donc une forme de DPI avec un focus sur le partage.
Les problématiques du Dossier Patient Informatisé
Malgré les multiples avantages liés au dossier patient informatisé, l’Ordre des médecins au travers de sa Commission Informatique et Technologies Nouvelles a soulevé un certain nombre de points en rapport avec la gestion électronique des données médicales :
- La gestion des flux entre médecins et patients et entre organismes et patients devra être sécurisé pour une gestion satisfaisante en toute confidentialité.
- A l’examen du contenu d’un dossier, il apparaît que le dossier médical unique est une utopie. Des praticiens se mettant d’accord à priori sur le mode de gestion d’un dossier et se servant des nouvelles technologies, au sein d’un réseau ou de l’hôpital, semblent être la solution logique.
- Une interopérabilité logistique et politique doit exister entre la gestion des données médicales à l’hôpital et celle des données médicales en ambulatoire.
- Les données médicales des dossiers en ligne sur Internet devront être gérées par des « infomédiaires » en toute protection de la confidentialité et en toute sécurité.
- La nationalisation du dossier informatisé c’est à dire la gestion des données médicales par une association ou un groupement d’intérêt public indépendant n’est pas une bonne solution dans la mesure où la centralisation en un même lieu offre des opportunités aux hackers. Les infomédiaires, c’est à dire les personnes morales chargées du stockage des données, paraissent donc les plus aptes technologiquement à gérer de façon satisfaisante les données médicales.
- Par similitude avec le projet de loi sur la signature électronique, il conviendrait en rapport avec les recommandations de la CNIL que soit définie une chaîne d’intervention précisant :
– comment doivent être établis les référentiels,
– comment doivent être produits les certificats attestant que des gestionnaires privés de données médicales le font selon des conditions satisfaisantes pour la protection des libertés fondamentales individuelles. - Plutôt que de vouloir organiser complètement la gestion du dossier médical, il semblerait opportun que les pouvoirs publics s’attachent uniquement à faire respecter les droits du patient dans le domaine du dossier médical informatisé : droit à l’information, droit à l’opposition, droit à l’accès direct, droit de rectification, enfin droit à la sécurité.
- Le patient ne doit pas pâtir du temps consacré par le médecin à l’établissement du dossier : la normalisation des données médicales revient à des praticiens dont c’est le métier de le faire et non pas aux praticiens traitants.
- La technologie doit permettre de communiquer entre professionnels utilisant des langages différents et non de normaliser à tout prix. Des procédés de normalisation doivent voir le jour mais la gestion de l’énorme masse de données médicales ne doit pas entrer, en totalité, dans un cadre préétabli de dossier médical. Propos tirés de https://www.caducee.net/DossierSpecialises/systeme-information-sante/dmi.asp
Ce qu’il faut retenir : La pertinence de l’utilisation du dossier patient informatisé en milieu médical n’est plus à prouver mais les problématiques qui y sont liées, méritent une attention particulière afin d’en garantir la sécurité dans l’intérêt du patient.